Paralpinisme au Gurung Rinjani à l’étape Bali

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Bali. 

La situation ne me semble pas si brillante alors que je débarque mes affaires à terre en quittant l’Australian Maid. Ce dernier ayant cramé son alternateur il sera bloqué plusieurs semaines ce qui me pousse à chercher un nouvel embarquement pour Singapour. Dans cette mission je suis secondé de Nathalie, équipière avec moi depuis Darwin et qui a le même but en tête.

Par chance, ou bon choix stratégique, je suis en pleine saison pour les voiliers qui remontent d’Australie vers le nord. Bali est très prisée et le rallye Sail Indonesia a prévu une étape ici même. Mon annonce posée, j’en trouve une qui cherche des équipiers expérimentés pour Singapour, départ bientôt. On ne pouvait tomber mieux, ce genre d’offre est rare. Rendez vous pris, l’affaire est conclue, nous embarquerons d’ici une semaine sur l’Equinoxe NZ, de Nouvelle Zélande, partie du rallye Sail Indonesia qui voguera vers Singapour. Il est à noter que je recevais juste avant ce rdv une offre d’un couple de retraité français sur voilier de 80 pieds pour la même destination. Je la rejetais après accord avec ces messieurs les anglais, funeste erreur que l’on verra le pourquoi plus tard. 

Mais deux offres en 24h, c’est énorme ! J’avais attendu deux longs mois à Darwin. « - Aide toi, le ciel t’aidera ! » n’a jamais été aussi vrai. 

Bonne surprise sur l’île, je retrouve à Timbis, lieu consacré au parapente, le clan des pilotes de Bright en Australie. Wally, Matt et Ted, trois briscards avec qui les cieux sont alors plus joyeux. Après six mois d’abstinence des airs pour cause de cyclisme aigu, je me fais plaisir sur ce site de soaring aux couleurs chatoyantes. 

Matt se décide à m’accompagner dans une sacrée galère : l’ascension et vol du Mt Rinjani sur l’île voisine de Lombok, culminant à 3000 et quelques mètres, double volcan à l’esthétique grandiose. L’ayant grimpé en 2005, je la considérais comme la plus belle des montagnes. Cette fois je suis armé d’une aile et d’un autre regard. Une montagne en cache d’autres : ce sont des monceaux de déchets qui viennent pourrir le sentier tout du long, et ce ne sont pas les touristes qui viennent ainsi salir le paysage. Les guides du parc national eux mêmes semblent fomenter une action révolutionnaire de plastifier la montagne, probablement afin de se sentir mieux en bas ? Parfois le genre humain me laisse pantois.

Bref, ca n’enlève pas de la superbe au paysage et nous atteignons péniblement le sommet après trois jours de véhicules diverses et de longue marche jusque dans la nuit. Tout l’archipel alentour se tient là à nos pieds, le vent est faible, mais venant du sud au lieu du nord-est espéré. Le décollage qui s’ouvre alors m’enverrais tout droit au dessus d’un large cratère trop abrupte à mon gout si quelques remous venaient à m’y conduire. Je ne sens vraiment pas l’affaire. Après des heures d’hésitations contemplatives, nous redescendons et nous consolons dans une rivière cascade d’eau chaude, la meilleure chose au monde pour des trekkeurs déglingués de trop de marche. 20h d’efforts en 36h, ca fait beaucoup ! Bilan à mi parcours : ongle de pied retourné, mal de partout mais toujours la frite pour moi. Matt : complètement mort, hypnotisé par le prochain pas, la décision de s’arrêter lui demanderai trop d’énergie et il continue ainsi, l’air hagard. On se soutient dans un rire nerveux de vagabonds des cieux.

Deux nuits en montagne nous ramènent ensuite au village passer un moment avec le club de parapente local, version indonésien : quelques gars ont voulu voler, ont essayés, s’y sont plus et empruntent de temps en temps une aile pour se lancer du haut des pics alentours… sans expériences, sans connaissances théoriques, en se passant le peu de savoir dilué d’un apprentissage de l’un des cousins au grand père de l’ami d’un d’entre eux. Bref, de sacrés casse cous qui n’en veulent ! Leur courage et leur obstination m’impressionnent, leur passion réelle est plus puissante que l’impossibilité économique. Ils veulent et s’en donnent les moyens, parfois atterrissent dans un arbre, rigolent, débranchent et repartent de plus belle. Un politique de leur entourage leur a promis le sponsoring de quelques ailes pour développer l’activité. Des gens se bougent pour leur donner des conseils, du matériel. Quand on veut on peut. Même au fin fond d’un village perdu d’Indonésie. Alors avec Matt nous faisons de notre mieux pour organiser un cours sur le pouce en pente école. A bouts de force, le rire nerveux devient incontrôlable parfois, et dans ses abysses de douleur se forgent une amitié solide, celle de l’adversité. 

Retour à Bali, je reprends la bécane et traverse l’ile (volcanique) pour rejoindre le voilier Equinoxe NZ sur la cote nord de l’ile. Un accueil glacial à bord ne m’inspire pas confiance, mais je n’ai pas le choix. Maintenant je suis engagé dans cette voie pour me rendre à Singapour.