Cap-Vert - Message posté le
Mindelo, Ile de Sao Vicente, Cap Vert.
Rapidement je fuis le Nicia2 où chaque geste est mesuré en fonction de l’humeur par définition massacrante du capitaine.
Rencontre de Sébastien, bateau stoppeur en route pour le Brésil et retrouvailles avec Luis et Charlotte, déjà connus depuis les Canaries, bateaux stoppeurs de leur états de même. Nous mettons en commun nos destins de voyageurs respectifs nous sortant un peu de l’ambiance plus âgée des bateaux du rallye.
Les zygomatiques me font défauts, comme effacés par ce mauvais passage sur le Nicia2. Etonnant comme la promiscuité d’autrui peut influencer énormément sur le moral. Il me semble sortir détruit par ce séjour en mer. Constatation faite après une bonne période solitaire. Ca n’encourage pas a sociabiliser. Vive les grands espaces et le vent pour seul ami !
Nous faisons très (trop) tôt connaissance avec la divine Estanperotte, alcool local à base de rhum, de mélasse et de miel. 30 escudos (0.30E) le verre. Souvent accompagné de musiciens locaux et de Luis au saxo.
Action Monte Verde, pic de l’île à 750m, les 4 jeunots, sac au dos laissent derrière eux une nuée d’aluguers, taxis locaux, médusés de voir des touristes aller A PIED !!! et chargés en plus ! Enfin de nouveau dans un élèment sain, la route. Marcher est vivifiant, différent que le vélo. C’est vraiment du tout terrain. Une forme de liberté plus physique que le vélo.
Une petite ruine en contrebas du sommet nous offre ses pierres et son mur pour la nuit, nous bivouaquons à la belle étoile au milieu de la brume cap verdienne. Le vent des Alizés souffle trop fort pour envisager un vol. La petite voile se repose dans son sac, attendant son heure.
Auto stop : Poussé par le groupe et le jour finissant, je déroge au principe du « non-moteur » en tendant le pouce. Expérience positive, il semble que les cap-verdiens aient une incapacité totale à envisager de laisser quelqu’un sur le bord de la route.
Santa Antao : L’île en face nous attire comme un aimant. Un coup d’œil sur la carte : des sommets escarpés, culminants à 1950m, des reliefs dans tout les sens, c’est décidé, nous irons, Seb, Charlotte et moi sac au dos (voile incluse) pour les prochains 7 jours à l’assaut de l’île.
Un homme marche à nos cotés tout le long de la route jusqu’au Pico Da Cruz. Je remarque ses pieds nus énormes, une corne crevassée épaisse d’au moins le centimètre, les articulations des chevilles noyés dans le muscle, le mollet faisant tronc sans transition avec le pied. Ses mains, gigantesques aussi, témoignent de la rude vie qu’il doit mener. Plusieurs blessures sur les mollets et pieds ne semblent pas le faire souffrir, il doit s’y accomoder. Quels sont donc ces capverdiens ? Rien ne semble pouvoir jamais troubler l’atmosphère tranquille, ouatée qui règne dans cette île. Chez les gens, dans les sons et le paysage, quelque chose d’indéfénissable garde les élèments dans le repos, l’apaisement du corps et de l’âme.
Au matin du 25, depuis le sommet de Pico da Cruz 1550m, une île flotte dans le lointain comme suspendue au-dessus de l’horizon de la mer. Le Monde Imaginaire, Neverland. La lumière irisée inonde Santa Antao d’une atmosphère irréelle. L’île se dévoile entièrement sous nos pieds. Le souffle épique prends à la gorge, les alizés sont tombés, il est temps de voler. S’imaginer Peter Pan le temps d’un vol, d’un souffle. La route surplombe une belle pente herbeuse et cultivée jouable pour décoller. 3 enfants nous observent sans mot dire, un âne se contente de brouter, une camionette passse, un chien aboie. Pas forcément évident d’improviser un décollage dans la forte pente inégale avec les cultures juste dessous. Seb aidant, un léger souffle me raidit. Pas de parachute, j’ai triplé ma visite pévol, (les secours ici, c’est tintin !). Plus de doutes, c’est le moment. La brise est quasi inexistant mais sous une légère impulsion, la voile, légère, monte haut dans le ciel, proprette comme un sou neuf. Course en avant, comme sur une balancoire me voila enlevé du sol. Mais ici pas de rappel,je reste en l’air, suspendu sous ce grand mouchoir blanc. Très vite, le cratère à ma droite passe sous les pieds écartés. Tension de la voile, un thermique se trouve dans le coin. Me couchant complètement sur la gauche, j’enroule un tour, puis deux, gagnant à peine 10m. Jouant la carte sécurité maximum dans un petit vol de matin, je pars explorer les pentes de cet ancien volcan. La lumière du matin encore présente provoque un joli petit frisson le long de l’échine. Imaginez ! Voler au-dessus d’une île du Cap-Vert, c’est là entre autres que réside le sens du voyage. L’archipel se découpe dans le lointain, une des îles éloignées semble flotter au-dessus de l’horizon ? Où est Clochette ?
Une fumée dans la plaine témoigne d’une brise plus soutenue en bas, influencée de traces significatives de l’Alizé déjà plus vigoureux. Il est temps de regagner doucement la rocaille à quelques centaines de mètres sous moi. Le choix à faire se pose donc en observant le relief et la route qui me ramènera en haut.
Abandonnant l’idée de faire du soaring sur un gros monticule de cratère, je passe assez bas une profonde caldeira, qui, à pied, aurait demandé plusieurs heures de détour. Magie du tissu et de l’ingéniosité humaine !
La route, un câble électrique, je me place en finale au-dessus d’une partie faussement plane, la brise ne se fait plus sentir en contre, et les cailloux en dessous semblent tout à fait inconfortables. J’arrive donc rudement sur le plancher des vaches, la voile prise d’une inspiration soudaine et s’emmêlant d’elle-même dans les caillasses. Wouf quel beau vol sauvage ! Seul au monde dans ce grand bleu, du ciel et de la mer.
7 jours de marche, 7 jours le sac au dos, 7 jours à nous retrouver en face de nous même, au rythme du pas, au rythme de notre souffle, au rythme des riz du jour : riz au lait le matin, riz à rien le midi, riz poissons ou légumes le soir. De Pico da Cruz, nous redescendons sur Paül dans une vaste vasque au climat humide et chaud, touffe verdoyante de l’île. Jouant avec les points cardinaux, de l’ouest nous passons en un clin d’œil au nord de l’île, aux falaises escarpées sur lesquelles le chemin cours fait de pierres assemblées doucement, longuement par la patience de l’Homme.
Nous jonglons avec les épaulements de massif, les brusques remontées haletantes et les descentes vertigineuses passant de la mer à 1810 mètres en un jour, puis redescente à 650 mètres le lendemain, remontant d’autant le lendemain. Seuls marcheurs semble-t-il dans cette petite Réunion, délaissée des touristes, et adorée par nos pieds. Le point culminant est trop éloigné, Tope de Coroa, 1979m sera délaissé au profit de plus de plaisir à se laisser aller sans d’autres buts que la prochaine crête, le prochain village. Les conditions météo d’abord, logistique ensuite, m’empêche de voler une nouvelle fois et la voile se fait oublier, si légère, si transparente dans le sac. Un bon oreiller de 3 kgs, et voila tout. Chacun ses petits luxes ! En tout cas ce fut l’occasion une bonne fois de valider le concept de vol bivouac, sans forcément voler ;)
Les capverdiens sont excessivement aimables, sans jamais jouer aux « mouches à blancs », répondent par un sourire aux « Bom dia » que nous leur balbutions timidement.
Retour sur Sao Vicente. La transat se prépare, dans l’angoisse et le stress des « patrons » du Selya. Luis et moi embarquons sur le bateau du couple suisse au pavillon Seychellois de résidence Corse, c’est simple non ? Travaux multiples à bord, il ne faut pas moins de 4 jours complets avant de s’estimer prêt. Laps de temps nous permettant la joyeuse rencontre du breton Manu, 21 ans, en solitaire sur son bateau La Chimère paré pour traverser la Grande Eau jusqu’au Brésil. Que le souffle épique te porte loin ami Manu !