Les Îles Marquises - Le paradis sauvage

Polynésie Française - Message posté le

Je dédicace mon séjour là-bas et ce récit à la Marquise des Ecrins.

Elles sont plusieurs îles hautes, au contraire des îles dites basses que sont les lagons comme on trouve aux Tuamotu par exemple. Volcaniques, relativement récentes, elles ont un paysage contrasté, hérissé, ciselé par Dame Nature, ce grand architecte.

En premier Tago Mago abordait Iva Oa. Suite à 19 jours de mer, la sensation est bizarre, c’est comme si la terre bouge cette fois, un vrai mal de terre en somme. Et, waou, marcher plus de 10m dans la même direction, c’est fantastique !

Aussi, je remarque tout de suite la sympathie légendaire des marquisiens. Durant tout notre séjour, ces gens vont nous offrir des fruits, de l’aide, leur amitié de façon toute naturelle et désintéressée ! Ils me rappellent le Maroc, mais sans cet écart de niveau de vie polluant parfois les relations.

Iva Oa

Nous sommes de retour sur le sol français, que je quittais il y a maintenant 22 mois. Voir une cabine téléphonique aux couleurs de France Telecom me fait monter les larmes aux yeux. Je vais pour la toucher, décrocher le combiné, des images de ma famille, de mes amis, de ma vie là bas, celle d’avant, me viennent en flash au cerveau.

Qui aurait pensé que la vue d’une cabine, de La Poste, de la Gendarmerie Nationale même pourrait faire pleurer un voyageur solitaire loin de chez lui ? Je vais même à caresser les panneaux sur la route…

Quelques voiliers sont au mouillage, je reconnais la plupart de Panama par où ils passent tous. Parmi eux se loge Ultreïa, un peu plus spécial que les autres, je les avais rencontrés au Cap-Vert en novembre 2008, Panama ensuite, et maintenant ici, un tiers du monde et 18 mois plus loin.

Ils me disent que j’ai une amie qui m’attend à La Poste, on croirait une blague… C’est Laure, une voyageuse rencontrée à Panama. Elle se motive à venir explorer l’île à pieds avec moi. La tente sur le dos nous allions assouvir notre envie de marche pendant les trois jours de mon séjour.

Son capitaine du ‘Fat Zoé’ lui a mené la vie dure pendant sa traversée de 31 jours depuis Panama. Etant donné que je subissais le même genre de torture avec Delphine de mon équipage, nous sommes tous les deux très heureux de nous revoir.

Nous découvrons les fruits de l’archipel. Le fruit de l’arbre à pain, localement appelé Mei, est le plus impressionnant. Les marquisiens iraient cueillir leur pain sur l’arbre ! Quid des croissants chauds alors ?

Cependant il faut le cuire : au feu, bouilli, ou frit, mais le résultat est délicieux. De la taille d’un melon, vert de peau, dur au toucher, il se pèle une fois cuit ou avant si frit ou bouilli.

A la nuit, deux pécheurs passent, nous saluent et nous offrent un poisson frais. Alors que nous n’avons rien pour le cuire, il reviendra une demi-heure plus tard, le poisson cuit accompagné de riz et d’oignons, excusez moi du peu ! Eh oui, ils sont comme ça par ici…

Les pamplemousses me ravissent de même. Ils n’ont rien à voir avec ceux trouvés en France. Sucrés et délicieux, l’amertume a totalement disparu. Nous en faisons une consommation irraisonnée. En plus ils poussent aux arbres, y’a plus qu’a les cueillir !

Jean-Pierre, le frère du capitaine, nous quitte. Il décide de rentrer illico en France après une sacrée dispute avec Delphine. Il semble que je ne sois pas le seul à rencontrer quelques problèmes avec elle…

Je suis un bien triste de le voir partir, c’est un nouvel ami et allié qui part. La vie à bord d’un voilier c’est aussi gérer avec les personnalités de chacun. Lorsqu’un point bloquant est atteint, certains choisissent de partir. Dommage que ce fut lui.

Enfin nous applaudirons le grand Jacques Brel dans sa tombe, un écouteur aux oreilles chantant « Les bourgeois, c’est comme les cochons…. », grand moment de vie. A ses cotés est aussi étendu Paul Gauguin, deux hommes qui ont choisi cette merveille d’endroit comme dernière retraite.

Tahuata et son merveilleux mouillage, une eau cristalline nous invite à la plongée snorkeling (masque-tuba). Nous y stoppons une après-midi sur notre chemin vers Ua Pou.

Cette dernière est la plus spectaculaire de toutes les îles. De hauts pics dressent leurs rocs édentés vers le ciel. Ces anciennes cheminées de lave, roche à nue de plusieurs centaines de mètres de haut, se sont gardés de l’érosion grâce à une structure moléculaire différente.

A peine avons-nous mouillé l’ancre dans la rade que des nageurs nous invitent à la fête du soir. C’est l’occasion alors d’observer les façons marquisiennes de cuire un cochon sauvage, les fruits de l’arbre à pain, et d’autres plats typiques.

Par une belle après midi, Sébastien, le prof d’EPS du collège, me prête un vélo et nous allons explorer l’île de la meilleure des façons possible. Il me montre la beauté sauvage de l’île. Nous sommes vraiment au paradis terrestre. Le tourisme de masse a tout a fait épargné l’archipel dû à son extrême isolement. Me vient en mémoire le Cap-Vert que j’avais aimé pareillement.

Nuku Hiva, quelques heures de navigation plus au nord, nous accueille dans le plus beau mouillage jamais vu : Hakatea Bay.

De hautes falaises nous entourent, un profond canyon me mène à une cascade de plus de 350m, la deuxième plus grande du monde. Alex et Michel, Marquisiens vivant là, m’offrent de nombreux fruits et leur amitié tout de suite. Les choses se font plus naturellement ici.

« -Tu as l’air d’être quelqu’un de sympathique, soyons amis » semblent-ils dire.

Ils m’informent de leur candidature pour enregistrer ce lieu dans le patrimoine mondial de l’UNESCO.

Ils m’apprennent également la présence d’une mystérieuse vallée secrète, partie du canyon, avec une entrée aussi large qu’une simple porte !

Le peuple et son roi (l’ancêtre direct de Alex et Michel) partaient s’y réfugier lors d’attaques ennemies. Plus de 20.000 personnes vivaient là. De nos jours, ils sont à peine 2.000 personnes, merci à la colonisation européenne.

Nageant doucement dans l’eau trouble de la baie, une vive et puissante douleur me prend à la main gauche. La peur vient avec la douleur. Je nage alors rapidement loin du spot, crie comme un putois, et regarde ma main. Quand je la voie noire, bleue et blanche pleine de pics noirs dessus, je crie encore plus fort ! Oursin ! Rien de dangereux, mais j’avais entendu que c’était très douloureux. Eh bien je confirme !

La douleur vient d’autant plus forte que le poison des épines enflammes les plaies.

Sur le Tago Mago, le dinghy est rangé à fond de cale, aucune aide à espérer de ce coté là, mais le Proximity, notre voisin a réagit plus vite que la lumière. Rod et Elisabeth foncent à mon secours avec une telle vivacité que je regrette avoir crié si fort… En une minute Rod m’enlève de l’eau et me conduit au Tago Mago. Delphine (eh oui !) enlèvera une bonne partie des épines durant deux heures de travail difficile. Je ne crois pas me souvenir d’une telle douleur dans ma vie. Je manquais tomber dans les pommes à plusieurs reprises.

Enfin le poison perd de son effet et nous attendrons le lendemain pour une visite chez le médecin au village-capitale Taiohae de l’île.

Maintenant que j’en sais un peu plus sur les oursins je peux vous conseiller fermement de les fuir comme la peste !

Taiohae est la capitale des Marquises sur Nuku Hiva. Nous y sommes après une courte navigation face au vent où l’on tire un bord.

Isabelle, infirmière en chef à l’hôpital, d’une cinquantaine d’années, elle LA référence pour la randonnée (aventureuse) sur l’île. Elle connait tous les chemins et n’hésites pas à s’aventurer seule ou à plusieurs.

Elle me dessine une sorte de rébus-carte décrivant la marche des crêtes autour de la baie.

Ce seront pour moi sept heures de course-marche aventureuse, devinant, inventant le chemin, à travers d’épaisses forêts, au-dessus de crêtes fabuleuses découvrant des paysages à couper le souffle, rencontrant quelques cochons sauvages et chevaux pour toute compagnie lors de ce trek solitaire.

Nuku Hiva est aussi l’unique endroit des Marquises pour le parapente depuis le Mt Muake et les crêtes sur lesquelles je passais. Temy est le pilote locale offrant des vols biplaces, il est la référence du vol ici. Ils doivent être 3 ou 4 maximums de toute façon, aussi est-il content de voir un copain-pilote passer le voir ! Malheureusement je juge le site et les conditions présentes dangereuses pour moi, l’Alizé soufflant fortement dans la baie provoque probablement de jolis rotors. Mon expérience en Equateur m’a guéri de ce genre d’aventure. De plus une promesse de double prudence me lie au capitaine et je préfère donc ne pas voler ici.

Prochain rendez-vous des airs à Tahiti.

En partant de l’archipel, je ressens un amour très grand pour cet endroit. Les relations humaines extrêmement saines, le coté encore sauvage et préservé, la tranquillité rencontrée sont des pistes vers ce quoi je cherche finalement dans ce monde. Je regrette amèrement ne pas pouvoir rester plusieurs mois ici.