Samuel

Colombie - Message posté le

Popayan, jour de Noël.

Je sors d’un cybercafé où j’étais en pensée avec ma famille via les technologies d’Internet. Mon jeune frère vient de rentrer d’un voyage de deux ans en Australie, ils sont tous réunis dans notre petit appartement de montagne en Maurienne. Pour ce jour un peu spécial il me fallait être avec eux.

Je tardais donc, et déjà le soir tombe. Pris au piège en quelque sorte.

Au milieu d’une grande ville de Colombie, il n’est pas recommandé de se trouver à la nuit tombée sans savoir où dormir, n’importe quel guide du Routard vous le confirmera. Il pleut bien entendu.

Puis l’hôtel, c’est pas de jeu, je vais pas faire 7 ans de voyage en pleurant à l’hôtel du coin à chaque fois qu’il pleut la nuit non plus ! Pas le budget pour de toute façons.

J’applique donc mon plan ORSEC No1 : demander l’hospitalité au poste de police, puis au poste de pompiers, option plutôt bonne la plupart du temps. Mes deux options se ferment. Me voila à la rue.

Alors que je demande un peu insistant à une énième institution publique de m’abriter pour la nuit, un grand guignol en vélo chargé, jumeau du mien, surgit d’un coup en me criant dessus dans un anglais bien yankee comme il faut: « - Te voila enfin bloody Hell ! Ca fait des jours et des jours que je te suis fuck shit hell ! » .

C’est Noël ! Samuel, USA, 26 ans, me vient tout droit du Paraguay où il vivait les trois dernières années à travailler en volontaire pour l’ONG Peace Corp pour sauver ce qu’il pouvait de la forêt primaire locale. Il y a même appris à parler couramment le Guarani, langue endémique de la région.

Il rentre chez lui aux Etats-Unis à vélo, récoltant des fonds pour sauver la forêt. Déjà 22000 US$, le fundraising fonctionne bien on dirait !

Se marrant et blaguant sans arrêt, il m’explique qu’il entend parler de moi depuis plusieurs jours par les gens qu’il rencontre sur le bord de la route.

« - Un cycliste français fou est passé il y a deux jours » entend-il sans cesse.

Ici à Popayan, il se trouvait dans la même situation que moi et demandait l’hospitalité de la même façon aux postes de police et de pompier quand il m’a vu en fin de compte. Il n’y a pas de hasard !

Je suis alors très content de nous trouver à deux pour mieux faire face à l’adversité du moment. On se trouve finalement un hôtel qu’on négocie pour une bouchée de pain.

Nous irons de concert les quelques jours suivants jusque Cali. Sam va m’apprendre le fameux « thumb up » (pouce levé) pour « remercier » les klaxons incessants des conducteurs attardés. C’est le moyen le plus pacifique, ironique et sarcastique de répondre aux voitures et camions nous explosant quotidiennement les oreilles.