Une galère qui mérite son nom.

Indonésie - Message posté le

A DEUX DOIGTS DE REUSSIR!

En face de moi, à peine 10 milles nautiques me séparent de Singapour et de l’immense continent asiatique. J’écris de l’île de Batam en Indonésie. 

Hélas, plus de bateau pour m’emmener à travers ce minuscule bras d’eau. Fred Wilson, skipper et (très) fier propriétaire du voilier Equinoxe NZ en a décidé autrement malgré notre accord très clair de me déposer sur le continent en échange de mon travail en tant qu’équipier expérimenté. 

Raison officielle: pas envie, changement de plans. 10milles nautiques. Raisons réelles: l’homme m’a pris en grippe depuis le premier jour. La philosophie du voyage ‘low cost’ l’outrage au plus haut point, pour cet homme qui construit comme tant d’autre son rêve sur un impératif financier. Imperméable aux bénéfices sociaux de ce type de voyage, il s’imagine que je dois forcément voler quelqu’un pour réussir. Il oublie les valeurs que sont la solidarité, le bonheur de partager et tant d’autres points positifs que seul ce genre de voyage, moralement possible, apporte. En attendant c’est lui qui me vole de mon ‘salaire’. Et de me mentir sciemment sur un accord ferme, lors qu’il se targuait à grands gestes d’être un ‘homme de parole’ pour me faire accepter le poste! La jalousie était probablement un ingrédient de son irritation permanente à mon égard. Homme riche et reconnu important, son égo démesuré de vieux coq irritable n’a pas souffert de voir débarquer un jeune célibataire au milieu des quelques femmes de l’équipage. Fumeur, alcoolique, vieux, ronchon, clairement bipolaire, malade, méprisant et riche à en crever, j’étais pour lui le symbole de son contraire. « - T’es moche, pis t’es con » disait Didier dans « les trois frêres ». Ca lui irait si bien !

Il faut croire que 50 millions de $ lui permettent d’être insultant, égocentrique et d’écraser les autres par l’importance de son rêve de voyage personnel. 

Dire que j’ai refusé une offre d’un bateau français pour ce fumier! Je vous laisse imaginer combien déchirants ont été nos adieux hier…

Bon dieu qu’est ce que j’ai pris dans la gueule! Il a fait de ce trip l’un des pires moments de mon voyage. Les vents, le froid, le chaud, la faim, la soif et la fatigue ne sont rien faces aux crocs de l’âme humaine. 

A tous les voiliers-stoppeurs du monde: prenez garde en montant sur un bateau: le proprio pourrait bien se révéler être un véritable salopard!

Mais il ne faut pas enlever les cotés brillants de ces 10 jours passés avec les autres membres d’équipage. Chris, Misa, Nat et la partenaire de Fred, Leona, ont enchanté de leur meilleurs sourires ces moments de grande désolation morale.  Nous avons ancré le bateau et plongé sur les hauts fonds de la ligne de l’équateur, naviguer d’îlots en îlots, éclaboussant nos gosiers d’eau de coco. Bon début pour le passage symbolique d’un hémisphère à l’autre!

Moral plutôt bas, mais au moins je suis hors du bateau, de nouveau capitaine sur ma barcasse de vélo!