Nullarbor, la longue plaine.

Australie - Message posté le

Seb écrit :

C’est mon premier désert (excepté mes rares souvenirs du Sahara dans mes jeunes années). Le désert est défini par l’absence de l’Homme, non par l’absence de vie. Dans le désert de la Nullarbor la vie sauvage est visible à chaque instant et est d’une beauté admirable. Seulement l ‘absence d’eau, d’arbres et de terres cultivables ne nous y sont guères favorables. En clair Mère Nature y a planté un panneau à l’entrée: « les humains n’y sont pas bienvenus ». Peut être cela explique-t-il pourquoi cet endroit modifie les comportements humains. Ici, sur la route, la méfiance spontanée « à l’européenne » (bien connue des autostoppeurs) fait place à la vigilance amicale. Une personne semble avoir besoin d’une quelconque assistance ? Aussitôt la première voiture s’arrête et un « Hey ! Do you need help? » jaillit de la vitre abaissée.  

Nous avions 1200kms sans épiceries et sans habitations au menu. Des renseignements pris sur le net indiquaient que les stations services étaient des points d’eau mais qu’elle était fournie de mauvaise grâce car difficile à obtenir.

Concernant la nourriture nous optons pour une solution très « En-route-avec-aileresque ». Andrew, un cycliste australien dépanné par Olivier sur le bord de la route nous donne le contact de sa femme Rosanne. Celle ci traverse la Nullarbor quelques jours avant nous et prend le temps de chercher la nourriture à notre adresse et de la déposer dans des stations services stratégiques. C’est quatre sacs remplis de conserves, pâtes et autres riz qui nous attendent donc sur notre chemin. Une partie de la logistique est assurée.

Concernant l’eau, la plupart des personnes rencontrées nous avaient promis une soif digne de nos pires cauchemars  et des températures si élevées que c’en serait douloureux. Armés de ces solides avertissements nous nous élançons chargés de 14 litres d’eau chacun. 

Déception ! Les températures sont la plupart du temps idéales, les quelques jours ou la température dépasse les 40°c sont suivis de nuits fraiches réparatrices, le vent constamment dans le dos nous donne des ailes. Nous vidons rapidement les lourdes réserves d’eau et remplissons deux fois par jour nos bouteilles à la Fontaine De La Route. Cette fontaine est à peu prés intarissable et réserve souvent quelques agréables surprises. En comparaison des autres cyclo-voyages rencontrés, celui d’Olivier (et le mien maintenant) a la caractéristique de compter sur la générosité des gens rencontrés, du moins pour l’eau. Une fois nos bouteilles vides nous les agitons donc au bord de la route. Parfois la voiture qui s’arrête n’a qu’un litre d’eau à nous abandonner, parfois dix, parfois c’est quatre litres d’eau glacée agrémentés de concombre fraichement coupés et délicieux qui nous sont donnés. C’est une fontaine qu’Olivier et Nadège nous avaient déjà décrite dans un post sur la traversée du désert du Sud Lipez

 J’avoue que cela va à l’encontre de la sacro sainte notion d’autonomie de nos montagnes. Mais cela marche, mieux, cela rend tout le monde souriant : les deux cyclistes empoussiérés et les conducteurs de la Nullarbor tout heureux de faire une pause et d’échanger quelques paroles (et d’écouter Olivier raconter son improbable histoire longue de cinq ans il faut bien le dire, ☺ ). Ainsi c’est grâce à tous ces Australiens et ces touristes et autres backpackers que nous nous hydratons copieusement (Bon, j’avoue, l’on nous a aussi lâché régulièrement des bières bien fraiches, mais CHUT, hein ! Cela enlève le coté « extrême-de-la-mort-qui tue »). Et encore une fois c’est grâce à la générosité d’inconnus comme Andrew et Rosanne que nous avançons. 

A quoi ressemble la Nullarbor ? Pour le savoir je vous invite à regarder les photos sur le site ou la page Facebook.

Si cela ne vous suffit pas une rapide recherche sur Google image vous en donnera plein.

A quoi ressemblait notre Nullarbor ? En une succession d’immenses lignes droites sous un ciel infini ponctués de jeux stupides, de rencontres plus ou moins incroyables et d’un vol en parapente en plein milieu. D’abord je tiens à proclamer que j’ai littéralement écrasé Olivier au jeu des trois cailloux.

C’est un jeu qui consiste à deviner combien de cailloux sont réunis entre nos deux mains fermées, avec un maximum de trois chacun. Il faut alors probabiliser mais aussi lire les petits signes de comportements qui permettront de prévoir le coup de l’autre. L’énorme avantage réside dans le fait qu’il ne nécessite que six cailloux de bord de route.

Notre complicité mise à mal par les mois précédents est retrouvée puisque nous réussissons à nous tenir en échec six fois de suite à «papier-cailloux-ciseaux-puits » (partie que j’ai fini par gagner évidemment ;-) ).

Note de Olivier : On évitera soigneusement ici le sujet des multiples victoires de ma part au jeu on-ne-peut-plus-stupide de ‘premier qui arrive là bas’…

Au niveau rencontre ce fut en vrac : des grand pères Australiens retraités depuis cinq ans bouclant leur cinquième tour d’Australie, des tenanciers de roadhouses perdues dans cet immense espace et d’autres voyageurs au long cours venant de tous les horizons chargés de leur légende personnelle.

Olivier écrit :

Depuis déjà quelques temps nous parlions du projet fou d’utiliser des kites pour tirer nos vélos à travers le désert australien. Après avoir essayé et pré-valider le concept à Torquay, avec les voiles de types NASA fabriquées par un co-sponsoring de Porcher Sport et de Gavin Mulvay, il était alors temps de passer aux essais ‘grandeur nature’.

Malheureusement la route apparait bine plus usité que prévue. Les immenses et dangereux road trains ne nous laissent que peu de temps de répit entre deux. Certaines parties de la journée sont certes plus calmes mais alors ce sont les conditions de vent ou de végétation qui nous empêche de les utiliser proprement.  

Seb prend la décision de son coté de ne prendre aucun risque, il abandonne cette partie ‘kite’ du projet pour sa part. Armé d’une plus grande expérience et d’une détermination d’acier (on dit aussi têtu comme une mule), je me lance. Le vent venant du sud majoritairement, il me faut alors me mettre sur le coté opposé de la route, c’est à dire à droite, donc avec les voitures et camions venant de face, afin de garder mon kite sous le vent des camions pour ne prendre aucun risque. Ceci provoque assez vite la confusion chez les conducteurs et je dois m’arrêter à chaque nouveau véhicule apparaissant dans le lointain. Très concentré au début, je m’acclimate à ce nouvel exercice assez bien. Le stress et la peur en moins, je gagne largement en vitesse moyenne, au maniement de la voile avec le vélo et parviens grâce à ce système à distancer Seb sur 40kms lors d’une longue étape.

Plusieurs problèmes apparaissent toutefois. Ces voiles volent très mal contre le vent, parfois même partent soudainement en vol arrière, ce qui peut s’avérer dangereux. Le largueur d’urgence a été utilisé à plusieurs reprises. Il fallait voir alors la petite voile Yoda partir d’un coup à 300m dans les arbres au loin, joli spectacle qui me sauvait de la chute inéluctable ! La police aussi s’en mêle, m’arrêtant dès le deuxième jour pour me déconseiller cet exercice périlleux. C’est sans compter sur ma volonté forgée sur des milliers de kilomètres à travers le monde. Deux jours plus tard, la patrouille loin derrière, la voile est de nouveau en l’air.

Le meilleur angle de vent était de 80° venant de coté donc ce qui me permettait de me mettre ‘au près’. Au portant la voile a tendance à se dégonfler et de toute façon un vent de dos aide un cycliste avec ou sans voile. 

La traversée de la Nullarbor fût la meilleure partie du voyage avec Seb. Nous pédalions toute la journée, laissant de coté du même coup tout sujet potentiel de discorde. Nous n’avions d’autres choix que d’être un minimum solidaire devant l’adversité et avons alors pu vraiment apprécier la compagnie de l’autre au lieu de n’en voir que les inconvénients. 

La petite aile de kite n’était pas seule à voir le jour. Du coté de Eucla, un deltiste battait un record du monde de vitesse le long des 200kms de falaises et nous donnait l’idée de voler avec nos parapentes. Le vent s’oriente parfaitement, puis s’intensifie rapidement. Après un premier vol au calme pour moi, Seb est en l’air et je m’apprête à redécoller. Mauvaise lecture aérologique, l’aile à peine debout, le vent m’emporte en arrière, vers la route. J’abats l’aile, me retrouve au beau milieu d’un gros buisson et la voile… sur la route, à la merci du premier véhicule venu. Danger ! Des curieux se sont arrêtées, je hurle de faire signe aux véhicule de s’arrêter (surtout les road trains) et sécurise en premier lieu mon aile, exercice périlleux dans ce vent furieux. Belle leçon d’humilité qui se termine bien !

Lorsque nous arrivons à Espérance après 22 jours, à une moyenne de 100kms/jour, nous savons l’un l’autre que nous avons accompli quelque chose de grand qui ne peut plus nous être enlevé. Belle sensation que de s’arrêter, rompu de fatigue, dans un endroit idyllique pour voler et se REPOSER !