Un choix difficile : passage en France ?

Nouvelle Zélande tome 1 - Message posté le

Il y a d’ici quelques mois maintenant, lors que nous étions encore en Nouvelle Calédonie, je recevais une missive concernant une importante nouvelle de France.

Ma petite sœur Marie … se marie.

Au delà du jeu de mot (bien piètre, j’entends bien), la date annoncée « 23 Juin 2012, 14h », me laisse dans une impression mitigée. Cette date est alliée à un lieu bien précis et fort loin : Grenoble, Alpes, 22.000kms de distance, mon lieu de départ.

Je suis content pour ma sœur, qui ne le serait pas ? Cependant j’ai orienté ma vie lors de ces trois dernières années, vers un tour du monde « Zéro émission de carbone », à vélo, voilier et parapente. Et aucun de ces moyens ne me ramènera à temps pour embrasser ma sœurette sur le parvis de l’église. Notre retour en France n’est pas prévu avant plusieurs années, nous avons le reste de l’Océanie et l’Asie à traverser… Alors, prendre l’avion ?

Le choix est ardue, voyons les options :

Retourner en avion me ferais parcourir deux fois un demi-tour du monde en portant la responsabilité d’un énorme rejet de CO2 dans les hautes couches de l’atmosphère. Tout ce que j’ai entrepris en matière de sensibilisation environnementale dans ce projet semblera caduc. Dans un souci d’esthétisme de réalisation je trouverais ça criminel. Mais c’est aussi aux yeux de ceux pour qui ce voyage symbolise une façon de vivre mieux avec moins de façon plus simple, plus lente, plus en harmonie avec le monde véritable qui nous accueille.

D’un autre coté, voila quatre ans que j’ai quitté mon entourage, ma famille et mes plus proches amis. Ma façon de voyager et les endroits reculés ont jusque là été une barrière. Très peu sont venus me voir. Je poursuivais seul mes chimères, ne laissant personne ni quoi que ce soit entraver le chemin de mes rêves. De façon assez extrême je dois le reconnaitre.

En projetant dans le futur, à quoi ressemblerait une vie dont de tels extrêmes serait la règle commune ? Que deviendrait ma vie, qui serais-je si je ne me rendais pas au mariage de ma sœur ? A mes yeux, dans la lecture de mes valeurs coutumières, ce serait une façon de briser des liens familiaux qui me sont chères.

Et pour quelles raisons au final ? ‘Refuser de prendre l’avion’, c’est la partie émergée de l’iceberg dans ma philosophie de vie. J’y crois profondément… mais mettre cette règle obtus au dessus des relations avec ma famille et mes amis devient extrémiste. Il y a parfois des concessions à faire.

Après de longs débats avec moi-même, quelques lettres partent pour l’Europe, mon retour inscrit en lettre d’encre valeur de promesse. Le choix est fait mais sans concéder à la facilité. Nous partirons avec Nadège pour la France et le mariage depuis la Nouvelle-Zélande avec le moyen le plus réaliste et le plus en adéquation avec notre philosophie du voyage.

La première idée est de partir en cargo-stop. Ceux-ci couvrent en effet de larges distances en quelques semaines ou mois. L’impact d’un passager en plus des milliers de tonnes de fret est insignifiant.

A ce stade commence un véritable marathon à travers les multiples compagnies de transports maritimes dans les rues de Nouméa. Les mails, les dossiers partent, trois réponses sont d’abord encourageantes, pleines de volonté, mais hélas vite brisée par la réalité des responsabilités à distance. La seule option restée ouverte est le voyage en cabine de luxe à 100US$/jour/personne. Comptez quarante jours fois deux (A/R) et nous sommes hors budget.

Deuxième idée, le voilier-stop, ma spécialité. Justement, je ne sais que trop qu’un demi-tour du monde à la voile prendra au moins un an…. la seule chance de revenir « rapidement » en Europe serait un convoyage de voilier rapide Océanie-Europe. Quasi impossible ! Mes recherches n’aboutissent pas.

Troisième alternative, prendre l’avion jusque mi-chemin, atteindre le continent asiatique et continuer en auto-stop, dont l’impact est à mon sens négligeable. Problème : le passage de multiples frontières est compliqué surtout au niveau des visas. De Singapour à la France le voyage prendrait plus de six mois. En partant de  Vladivostok (Est-Russie) jusque Paris, le problème des visas serais simplifié mais le voyage relèveraient de l’expédition sévèrement engagée avec des délais similaires.

Je dois donc me résoudre à la quatrième alternative … prendre l’avion d’un seul coup. Un bel Auckland-Paris bien dégueulasse, 2x 20.000km de consommation à toute vitesse, le moyen le plus facile et le plus outrageant pour tout navigateur du Grand Dehors qui se respecte.

Mes parents jouent ici un rôle prépondérant dans mon analyse de la situation. Ils m’écrivent quelques mots très justes d’un ami, Olivier Vendôme :

« Quand l’idéologie la plus juste, la plus belle, qu’elle soit religieuse, politique, humaniste, écologique, etc. devient totalisante, elle exclue toute différence, toute entorse à la règle. Elle devient alors un nouveau conformisme qui tue l’énergie, le jaillissement, l’imprévu …

C’est pourtant dans ces marges non formatées que souvent se tient la source qui nous a fait partir, voir ailleurs et autrement.

Jour après jour, il nous faut transgresser les barrières que nous nous donnons pour sauver l’essentiel de ce qui nous a mis en marche, sauver le devenir humain, sauver le lien, sauver la tribu (diraient les canaques) ».

Maintenant il est temps de relativiser.

Mon idée originelle de tour du monde « Zéro Carbone » repose sur l’absence de moyens motorisés pour AVANCER. Il m’est donc ‘permis’ de faire un aller-retour en bus-train-voiture-avion même en Europe. Je reviendrai cinq mois plus tard pour retrouver mon Baroudeur. La boucle sera bouclée via l’Asie dans les règles de l’art et j’aurai tout de même une famille qui ne m’aura pas tout à fait oublié à l’arrivée !

Il est aussi possible d’assumer et de ‘piéger’ le carbone rejeté dans l’atmosphère en… plantant des arbres. A réfléchir sur le plan moral et scientifique...

Nous serons en France du 9 mai au 7 Octobre 2012, basés sur Grenoble et les environs. Quiconque intéressés pour venir nous voir peuvent nous contacter via le site internet. Ce sera aussi l’occasion de participer à la coupe Icare 2012, festival mondial du parapente à St Hilaire du Touvet (Isère).