Polynésie Française - Message posté le
Le 5 août au matin nous sommes de retour sur Lady K à la marina Taina de Tahiti. Cette fois six équipiers forment l’équipage.
Adrian, 25 ans, californien (USA), est un équipier diplômé et expérimenté de voilier de régate. Il aime se perdre à pied dans la jungle de l’arrière pays des endroits qu’il aborde en voilier, comme dans les îles Marquises où nous avons tous deux connus des expériences similaires.
Fabrizio, 28 ans, brésilien, est lui aussi un équipier professionnel mais traverse pour le moment le Pacifique en voilier-stop avec sa copine Shirley (sur un autre voilier) pour le plaisir. Cet énergumène parle couramment cinq langues et en maîtrise deux autres. Il a navigué plusieurs fois en Antarctique notamment lors d’une expédition avec le fameux aventurier Mike Horn. Il aime lui aussi découvrir le monde en dehors des sentiers battus.
Nous connaissons déjà Toby, notre capitaine et Ayla sa coéquipière.
Nous prenons un jour entier pour préparer le Lady K et décidons de reporter au petit matin du jour suivant le départ. Devant nous se met alors à quai un immense motoryacht, ‘Big Fish’. Impressionnant de luxe jeté à la face du monde, c’est un véritable palais sur l’eau. La famille des propriétaires est à bord, six personnes peut-être, servis par une armée de six ou sept équipiers, cuisinier, hôtesses, etc... Je me demande comment des gens peuvent rassembler une telle quantité de richesse à eux seuls ? Je ne peux m’empêcher de trouver ça condamnable d’un point de vue moral. Qu’on-t-il donc apportés à l’humanité pour que tant de personnes travaillent tant de temps pour assouvir leurs envies et caprices démesurés ? Quel est donc leur utilité sociale au final ? On me dit qu’il apportent du travail et font donc vivre ces même gens. Mais ce même travail ne pouvait il donc être utilisé à meilleur escient ?
Nous levons l’ancre le 6 août au matin, l’air est très calme, un léger vent d’est nous permet de mettre les voiles au large de Moorea, gardant nos dix nœuds que nous faisions au moteur, quand soudain : « BANG !»
Une énorme explosion surgit de nos pieds, tandis qu’une fumée s’élève dans le lointain. L’onde sonore a été transporté par l’eau, manquant nous faire croire à une explosion dans notre propre bateau. Il y avait trois navires à la place de la fumée, je n’en vois plus que deux. Une épave en plus, sûrement un vieux bateau qu’on coule. Impressionnant !
Les quarts sont organisés en rotation de trois heures chacun, par équipe de deux décalés l’un par rapport à l’autre. Je suis ainsi moitié avec Adrian moitié avec Ayla. Du coup nous nous voyons peu avec Nadège pendant cette traversée.
Ayla me raconte un séjour qu’elle a fait sur l’île du propriétaire de Virgin, jouant sur un Hoby Cat avec lui. Apparemment c’est le genre de relations qu’on peut se faire dans ce monde de yachting de luxe.
Tous les quatre jours l’on devient ‘cleaning fairies’ (fée du nettoyage) : nettoyage du salon, du cockpit intérieur, préparation du déjeuner... ce qui s’avère être un véritable cauchemar les premiers jours, car nous ne sommes plus amarinés comme avant.
Les lois de Newton sur la gravité semblent être erronés sur le Lady K ! Chaque mouvement doit être pensé deux fois, et préparé par d’autres gestes permettant de ne pas se retrouver cul par terre et tête dans la poubelle jurant tous les dieux contre cette maudite idée de tour du monde à la noix !
La vie à bord laisse beaucoup de temps libre pour regarder des films à tire larigot, lire, écrire, dessiner. Ici pas de restrictions sur l’eau ou l’électricité, on en fabrique en cours de route, en veux tu en voila ! Un dessalanisateur et un générateur font tout le boulot. C’est vraiment un autre mode de vie que sur le Tago Mago.
Chaque jour certains d’entre nous nous disciplinons à une gymnastique matinale, les postures sur le bateau sont trop constantes pour être longtemps supportable sans ça.
Jour 2. Notre autopilote arrête de fonctionner pendant 24h. Nous devons barrer manuellement, un exercice que j’aime car c’est l’occasion de vraiment ‘sentir’ le bateau et la mer. Puis il me semble que faire de la voile sans toucher à la barre, à quoi ça rime ?
C’est aussi l’opportunité de nous sentir un peu utile avec Nadège, il est vrai qu’en qualité de mousse ‘non-pro’ Toby ne se sent pas vraiment nous confier un quelconque tâche à responsabilité.
Pour Nadège c’est la première fois. La mer est formée, le vent est plutôt fort. Le bateau se met à zigzaguer dangereusement, on abandonne là la formation éclair, ce n’était pas le meilleur moment.
Jour 4, Adrian attrape un poisson au bout de la ligne de traîne que nous laissons chaque jour dans le sillage du bateau. En quelque minute ce marin confirmé a nettoyer le pont, les filets sont dans le frigo et la carcasse par-dessus bord.
Nous voguons maintenant toutes voiles dehors, c'est-à-dire la voile et le foc d’artimon, la grande voile, la trinquette, le génois et même le spi asymétrique (voile immense en bulbe à l’avant) sont envoyées. Lady K est superbe comme çà ! C’est ma première fois que je navigue au spinnaker.
Notre arrivée aux îles Tonga, à Vava’u se fait de nuit. Je me réveille avec la vision étrange d’une terre inattendue avec un grand ‘V’ de feu sur la côte. Probablement un feu à but agricole. Le cerveau prend un moment afin de se réadapter à voir quelque chose de nouveau et de fixe.
Nous stoppons le génois à contre et la barre engagée au maximum, et attendons ainsi le jour pour rentrer au mouillage.
Une forêt de mats semble nous accueillir d’emblée, c’est bon signe pour notre futur voilier-stop pour les Fiji et la Nouvelle-Calédonie.
Quelle n’est pas ma surprise alors en apercevant ‘Kamoké’ parmi eux, le voilier avec la famille à bord duquel j’avais tant hésité à m’embarquer dessus à Tahiti !
Je vois alors Pascal acceptant aussitôt de nous prendre à bord pour filer en Nouvelle-Calédonie. Seul hic : ils partent... à midi ce jour même.
Par chance nous pouvons rapidement faire les papiers grâce aux relations « haut de gamme » du Lady K. Etant donné aussi que nous n’avions pas de plan arrêté pour visiter les Tonga ou les Fiji, puis que j’avais vraiment aimé leur manière de naviguer, nous décidons de partir avec eux sans attendre.
C’était là sûrement le voilier-stop le plus rapide de la galaxie !