Côte Ouest

Nouvelle Zélande tome 1 - Message posté le

La côte Ouest de Nouvelle-Zélande, île du Sud, est l’endroit le plus humide de l’univers. Le vent provenant de la mer de tasman s’élève sur les Alpes antipodiques, condense son humidité en se refroidissant dans les hauteurs, et pleurent les marins perdus dans cette mer de tempête en torrent de larmes sur les versants où nous passons.  Plus à l’ouest, cet air asséché redescend et désertifie les vallées de l’Est dans un courant chaud estival. 

Notre passage à Cape Foulwind nous fait gouter tout ceci en pleine face. Nous sommes maintenant en basse saison, les véhicules de touristes on fuit vers le Nord, il ne reste plus que nous et le paysage sublime.

Parapente sur le Glacier Franz Joseph.

Nous parvenons au terme d’une endurante montée sinueuse au village homonyme. De par son enchâssement exceptionnel, le glacier a mérité la dénomination de ‘patrimoine Mondial de l’UNESCO’. Il plonge ses séracs éclatés du haut des montagnes vers le niveau de la mer. Nous nous heurtons alors à un ballet constant d’ hélicoptères en vol touristiques bourdonnant sans cesse dans l’air calme.

Moi aussi je veux mon ‘scenic flight’. Mais j’ai mieux qu’un hélicoptère polluant, bruyant, onéreux : mon parapente Ultralite est fait pour ça. Reste à décoller de quelque part. Alex Knobb (1250m) surplombe la vallée glaciaire dans une verticale vertigineuse. Son sommet dégagé offre une zone de décollage d’herbe grasse qui crie de nous vouloir voir décoller.

Après un bon briefing avec les boites d’hélicos locales et le DoC (Club Alpin local), nous grimpons avec Nadège pour parvenir en haut sur les coups de 9h30. Les conditions sont parfaites mais trop tard, le ballet d’hélicoptères a déjà commencé, pas de place pour des petits parapentes innocents. Nous considérons notre exposition au risque trop grande et descendons à pinces. 

Cependant j’ai noté en montant une fenêtre entre 7h et 8h où la lumière est déjà suffisante, les thermiques et les hélicos encore absents. Je me lève donc à 3h30 du matin dans le noir total pour escalader joyeusement de nouveau ces mille mètres que j’adule à chaque pas. Nadège reste en bas, trop crevée, la feignasse ! Les hélicos sont prévenus de mon vol pour 7h30 pile, ce que j’honore à la minute près.

Lorsque je parviens au sommet, les perroquets alpins Keas m’accueillent à force cris de bienvenus (sûrement). Le glacier s’étend sous mes regards, majestueux. Pas un seul nuage n’obstrue la vue des barrières de rocs tout autour. Le vent est léger sud ouest, c'est-à-dire ‘cul’ en théorie. Mais le bougre semble retenir son souffle lorsque je suis fin prêt. Absolument seul dans cette immensité, je décolle sud-ouest pour revenir en un virage serré à travers un petit col et me jeter littéralement dans la profonde vallée ténébreuse du glacier. 

Le Franz Joseph me fait un clin d’œil de lumière, il est avec moi. Lui non plus n’aime pas ses hélicoptère violant sa blanche coiffe. Complice, il me montre ses plus intimes séracs, me dévoile des crevasses inédites. Nous jouons ainsi quelques temps. Des cascades de mille mètres jettent leur chevelure dans des abîmes insondables au pied des géants de roches. L’ensemble est si beau, si pleinement tout autour de moi en une géode de beauté, que je chante à tue-tête dans l’air glacial.

Lorsque j’atterris sur le parking, près de la tente, je me sens plein d’une énergie nouvelle, puissante et durable. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.

Nous terminons notre premier cyclo-parcours néo-zélandais en grimpant sur Wanaka. Un coup de vent d’ouest souligne la sauvagerie climatique de ce lieu. La dernière étape est la plus belle d’entre toute. Un fort vent de derrière nous propulse le long des bords du lac Wanaka et Hawea. Les montagnes pyramidales, sauvages, nous observent passivement. Elles ont déjà tout vu.