Tahiti

Polynésie Française - Message posté le

Je quitte le Tago Mago officiellement une semaine après notre arrivée.

Je me demande bien pourquoi il m’a fallu tout ce temps. Delphine reprends son humeur désastreuse, cette fois je ne fait pas même l’effort de comprendre pourquoi et vaque à mes occupations lorsque l’on ne s’occupe pas de rendre au Tago Mago une nouvelle jeunesse.

Dès le premier matin, Fred nous informe qu’il arrête temporairement le tour du monde. Il posera le bateau sur un chantier à Raiatea pour le temps de la saison cyclonique, et reviendra l’année prochaine avec de nouveaux équipiers et une meilleure formation, notamment sur la mécanique du bord.

La nouvelle tombe au petit déjeuner, Laurent est atterré, je suis content pour ma part. Cette nouvelle m’oblige de toutes les manières à chercher un autre voilier, le cauchemar va prendre fin !

Laurent et Delphine me surprennent. Eux qui voulaient à tout prix faire cette traversée à la voile... décident de prendre l’avion pour la Nouvelle Calédonie puis l’Australie.

Au premier obstacle, les voila à baisser les bras… une façon de vivre l’aventure bien … touristique je trouve. Ils m’expliquent que ce n’est pas dans leur manière de « mendier » un voilier et de se prendre des réponses négatives… ils préfèrent le canal internet et répondre à des annonces, façon bien fastidieuse de s’y prendre ici à Tahiti où l’Internet est hors de prix et les voiliers partout autour.

Dès le premier jour mon objectif est de trouver un bateau pour la Nouvelle Calédonie. Mon terrain de recherche est la marina Taina. En trois jours, c’est chose faite et deux options terriblement tentantes l’une et l’autre s’offrent à moi.

Option « Kamoké »: voilier en ketchs de 16m, Pascal et Bénédicte voyagent avec leurs deux enfants depuis quatre ans. Leur façon de voir le voyage, les gens, le monde, la mer correspondent parfaitement à mes valeurs. Ils sont bien loin du Tago Mago. Eux prennent la vie comme un grand JEU, bien loin de se prendre tristement au sérieux.

Leur programme nous mènerait aux Vanuatu tout d’abord, à passer deux mois d’île en île ensemble, pour atteindre ensuite la Nouvelle Calédonie et la Nouvelle Zélande en novembre.

Ils ne me demandent aucune participation à la caisse de bord, simplement de vaquer aux tâches communes, comme un tout bon équipier doit savoir le faire.

Mon amie Nadège, récemment arrivée en Nouvelle-Zélande et future équipière de nouveau pour le restant du tour du monde, peut venir nous rejoindre sans problème aux Vanuatu.

Quoi de mieux ?

Option « Lady K » : super yacht anglais de luxe, 24m de long, gréé en ketchs, nous abordons ici un tout autre monde.

Toby, 33 ans, australien, et Ayla, 29 ans, anglaise, forment l’équipage professionnel en charge du voilier tout au long de l’année. Ils travaillent pour un anglais très fortuné. C’est à leur charge de maintenir le bateau en parfait état, de le conduire où bon Monsieur veut et de servir de ‘petit’ personnel pendant le séjour de Monsieur et de sa famille.

Leur programme nous amènerait aux Tuamotu début juillet, dans un mois. De là je verrais l’éclipse totale du soleil le 11 juillet et resterais trois semaines sur place. A moi de revenir sur Tahiti pour descendre ensemble aux îles Tonga.

Sans me payer un salaire propre, ils offrent tout de même de payer à Nadège le billet d’avion jusque Tahiti et de la prendre à bord aussi. Ils nous donnent aussi quelques jours de travail à bord, payées en plus.

Une sacré opportunité ! D’autant qu’une première expérience sur un tel yacht peut nous ouvrir la porte vers ce monde extrêmement bien rémunéré. Un pont d’or pour qui aime naviguer à travers le monde !

Après trois jours de réflexion, j’appelle Nadège pour lui proposer une croisière vers les atolls de rêve du Pacifique, sur un voilier de milliardaire, afin d’observer une éclipse totale du soleil et jouer aux Robinson pendant un mois. Tous frais payés…

Comble de l’étonnement, elle accepte !!!

Lady K nous voila !

Trois semaines à combler avant le départ. Je trouve un boulot facilement sur un autre super yacht voisin de 30m de long.

Umatalu a besoin d’un bon coup de nettoyage... de partout. Mon chef est un jeune suédois, Alex, se prenant pour le boss des boss. Tant qu’il me paye ça me va. Un matin il nous emmène pour une session wakeboard. Alors ca va vraiment là !

Il faut tout de même le nettoyer ce yacht. Et pas de main morte. Je crois qu’il plaisante lorsqu’il me tend une brosse à dent et me montre d’un geste vague l’ensemble du pont. Ca n’est pas une blague ! Je dois nettoyer tout le pont avec ! Enfin les inox, mais ça fait un sacré boulot tout de même.

C’est aussi une place excellente pour rencontrer les gens du monde marin. Les boulots me viennent les uns après les autres, de bouche à oreille, la caisse de bord se renfloue un petit peu.

A chercher un boulot dans la marina, je rencontre Davy, jeune aventurier des mers. Il m’offre non seulement son propre boulot... mais aussi de venir vivre dans sa coloc avec ses potes ! Il m’explique qu’il désire lui aussi partir en vélo autour du monde et que j’ai sûrement pas mal de choses à lui apprendre.

C’est ainsi que je deviens à mon tour un des « Pierres à feux », six jeunes loubards des mers vivant autour du maison dans des tentes pour dormir, la maison en lieux commun. J’adore leur style de vie ! Marins aussi ils sont venus il y a quelques mois ensemble en convoyant un catamaran depuis la France.

« La France appelle Olivier. Je répète… »

Nico, un bon pote des jours passés et futurs me donne le contact de Xavier et Hélène un couple Tahitien-grenoblois de ses amis surfeurs. Avec eux je retrouve le bon goût des soirées à la française, des bonnes bouffes bien arrosées, à faire des jeux de mots pourris pendant des heures, se marrer quoi !

Parmi la clique des copains tahitiens rencontrés sur place, l’immense voilier « Infinity » de 35m a bonne place. Ils sont 16 « backpackers » (voyageurs sac au dos) à bord, troublant les océans de leur joyeuse présence. Nous accrochons tout de suite sur nos façons de voir le monde, la vie, la mer, le voyage. Je respire mieux dans cet univers où mes conceptions sont partagées, comprises, encouragées.

Ils m’invitent pour une courte traversée vers l’île de Moorea, juste en face, en même temps que quelques jeunes d’ici. Parmi les invités je rencontre Domi, une bonne copine de ma petite sœur Marie, juste par hasard, heureux monde !

A ce moment là, le magazine Latitude 38 me demande une interview au sujet du voilier-stop, une façon de partager les bons « trucs » à connaitre pour voyager sur un BDA (Bateau Des Autres).

Pas mal de temps ont passés sans nouvelles de ma petite voile, bien tassée au fond du sac. La pauvre doit suffoquer à l’heure qu’il est.

Heureusement Tahiti est LE spot pour voler dans tout le Pacifique. Le site de Punaruu se trouve sous le vent de l’île sur la côte Ouest. 75 pilotes locaux volent ici, il y a de quoi faire des rencontres ! Certains volent chaque matin, la constance des Alizées permet un vol toute l’année sans problème.

Voler sous le vent de l’île est assez bizarre. Ce sont les mêmes conditions que j’ai pu connaitre à La Réunion. Nous volons dans le retour du vent, généralement stable et sain. Il faut se méfier des « confluences » des retours de vent Nord et Sud, ainsi que celles entre le vent et le retour. J’ai eu l’occasion de voler là dedans, les pilotes au sol sont hilares, moi entre le blanc et le vert, couleur du lagon que l’on a la joie de survoler juste avant d’atterrir.

Six mois sans voler, la plaisance, ça se paye. Je reprends les habitudes, les réflexes, le ressenti et la confiance surtout.

Nadège, le retour.

Elle arrive ! Le 27 juin je l’attends à l’aéroport, un collier et une couronne de fleurs à la main, fidèle à la tradition polynésienne. L’accueil, ce sont les fleurs, les adieux sont faits avec un collier de coquillage.

Nous sommes deux de nouveau, la solitude reprend fin. Je me sens plus fort, plus vrai, plus proche du monde humain avec elle. Cette fois elle revient pour de bon, plus d’impératifs en France. Nous allons essayer de revenir à deux jusqu’en France, au rythme doux et posé du vélo.

Une nouvelle aventure commence là.

Pour information, son propre blog est en ligne, que vous pouvez lire sur http://gogirlgo.revolublog.com/.

Après un mois passé à Tahiti, pour la majorité passé à nettoyer les bateaux des autres, nous sommes prêt à partir pour l’atoll de Makemo dans l’archipel des Tuamotu, un des plus beaux endroits sur cette planète, sans coup férir.

Nous verrons alors l’éclipse totale du soleil le 11 juillet, si le temps le veut bien, et jouer à Robinson et « Samedi » (elle est arrivée un samedi… (sic)), apprendre à pécher et nous nourrir de noix de coco. La vie est belle !