Histoires de désert.

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Quelques jours à Coral Bay et Exmouth me font un bien fou après cette histoire de cyclofolie des 372kms. Là où je pensais passer une nuit chez Beno, je me retrouve avec une bière à la main à chaque fois que je fais mine de partir. Résultat je reste dix jours dans le coin. Cory, le manager de kayak et boss de Beno me prête du matos de snorkeling et un accès aux kayaks et aux autres ‘tours de bateaux’ de leurs potes quand je veux. C’est la magie d’être accueilli en local et non en touriste. Je découvre dans le Ningaloo National Park un vrai labyrinthe de coraux sympathiques, peuplés de requins de récifs dont un requin léopard assez amusant. Ils ont même une station de nettoyage des dents avec de petits poissons venant picorer entre les puissantes mâchoires les restes de nourriture. Nous restons à coté, silencieux et retenant notre souffle, à quelques mètres de profondeur. La Nature nous livre ses petits secrets. Le reste n’a plus d’importance.

La route nous reprend avec le Baroud, et d’étranges rencontres agrémentent notre quotidien, surtout fait de soleil, d’étoiles, de vent et d’immensités succédant aux néants du Grand Vide australien. 

Fisher d’abord, cyclo australien faisant le tour du pays, se moque de la vanité de mes 372kms… Quelques semaines plus tard, ce mordu m’envoie un message annonçant un joli 390kms de 8h à 3h du matin le jour d’après, chargé à 40kgs, dans la Nullarbor plain. Même s’il n’a pas respecté le minuit à minuit plus contraignant, la performance m’oblige à considérer un nouveau record à battre. 

Ralph le hollandais quant à lui, me laisse bouche bée. Après deux traversées de l’Atlantique et deux du Pacifique à la rame en solo, une tentative sur l’Océan Indien le conduit à se faire rentrer dedans par deux supertankers à la suite. Trois traversées de l’Asie en vélo plus tard, il est maintenant sur un vélo couché avec un système d’aviron monté dessus pour faire le tour d’Australie à 170kms/jour. Notre rencontre restera gravé après trois bouteilles de vin, autant de bières, deux babies de whiskey et deux paquets de clopes, le tout majoritairement englouti par ce phénomène brulant la vie par les trois bouts à la fois. Plus d’infos sur sa page Facebook « Ralph Tuijn Adventurer ».

Tom Price et le Karijini National Park forme l’unique étape de ma traversée avant Broome. Linda m’offre l’accès à son caravan park quand elle me reconnaît d’après l’article du magazine cycliste australien RideON. La cyclo-solidarité a encore frappé. Vive la célébrité ! Complétement fana de marche elle grimpe le Mt Nameless juste derrière chaque matin. Armé de mon parapente, nous battons ensemble le record local avec un 25min mémorable où j’avais du mal à suivre ce pétard sur pattes. David est un pilote suisse de passage justement au caravan park et nous décollons ensemble pour un vol rare dans ce coin perdu au milieu des mines du désert. 

Le Karijini me repose par ses vasques d’eau cristallines courant le long des gorges de ce dédale de roches milliardaires en âge. Récemment des scientifiques ont découvert dans la région la roche la plus vieille de la terre, datant de 3.4 milliards d’années. Ce continent a une histoire, le paysage le crie en silence. 

Tout paradis se paye par un enfer. Le mien est formé de centaines de roadtrains énormes, d’immenses camions formés de 4 remorques. Ces mastodontes de plus de 50m me rasent à 100km/h à quelques centimètres, parfois ils se suivent 4 ou 5 à la fois. Je compte mentalement dans les tourmentes le nombre de remorques. J’avais essayé avec le nombre de roues mais c’est trop. Avec le vent de face qui se met de la partie, le soleil implacable, je sais que ma patience est mise ici à rude épreuve. Ce vent devient aussi mon pire ennemi. Je suis rentré dans les latitudes basses qui apportent les Alizés du sud-est. 3000kms de vent de face, rien que ça, me séparent de ma destination finale en Australie, Darwin. 

Parfois j’ai la chance d’utiliser mon kite pour avancer. C’est alors le plaisir de dompter la sauvagerie ennemie pour mon plaisir personnel, la revanche du cyclo sur le vent. Mais se sentant déshonoré sans doute celui-ci revient à la charge en une violente bourrasque et me voilà à voler dans le bas coté, chutant misérablement du haut de mon piédestal. Eole 1 – Olivier 0. Je reprends ma stratégie de l’usure lente. Je gagne toujours dans ces cas là.

Broome est fameuse pour ses couchers de soleil sur Cable Beach. Je n’en ai cure, je ne vois moi qu’une belle dune orientée dans la brise. Le parapente déployé à quelques mètres au dessus du sol je m’étonne de cette armée de caméras disséquant notre image d’Icare dans le soleil. J’ai choisi par mégarde LE coin touristique le plus couru de la région. Jamais je n’avais été autant photographié de ma vie. Les news locales publient même le portrait de ma petite Ozone dans le soleil couchant. Quelques appels surgissent d’en bas, beaucoup de gens rencontrés sur la route me reconnaissent à ma voile.  

Ilona, backapacker belge, décide de se joindre au trip à vélo pour atteindre Darwin par ce moyen qu’elle trouve plus original que le van. Max et Fleur de la grande famille des cyclistes warmshowers.org dénichent pour elle un vieux cadre à recycler. Smicko de l’association Broome Bicycle Recycle rentre alors dans la boucle et donne carrément un vélo quasi complet. Nous le bichonnons un minimum avec Max et Ilona se retrouve armée d’une vraie bonne machine pour arpenter les routes du pays des crocos. Nous partons demain.